En chemin enchanté

Il n’y a pas de petit vignoble, il n’y a que de grandes histoires

Un mois, un témoignage en 2021
Stephan REINIG - Groupe Estandon, Provence

La viticulture s’est imposée à moi comme la continuité de l’histoire de mes « anciens » qui ont toujours été vignerons. En achevant mon diplôme national d’œnologie (DNO), J’ai eu l’impression de renouer avec l’histoire de ma famille dans les vignes d’Algérie.

Après avoir travaillé dans les Landes comme technicien, j’ai eu envie d’un nouveau challenge, d’une nouvelle expérience. Je suis donc arrivé au sein du Groupe Estandon en 2000 comme responsable qualité, et technicien vignoble. Beaucoup de choses ont évolué depuis. Aujourd’hui, le Groupe réunit 9 caves coopératives, 12 domaines, 300 vignerons qui produisent environ 150 000 hl. C’est aussi 120 collaborateurs dans les caves et dans l’Union, et 53 M€ de chiffre d’affaires.

Nous nous questionnons sans cesse sur l’avenir. Finalement, pourquoi cultive-t-on la vigne comme on le fait aujourd’hui ? Héritiers de 60 ans de pratiques culturales traditionnelles, le constat partagé a été de dire qu’une évolution profonde était nécessaire. Si on se projette dans les 40 prochaines années, ce modèle sera-t-il encore viable ? C’est presque devenu un lieu commun de dire que nous allons vers d’inévitables complications.

Les raisons du changement sont connues : sécheresse, années de plus en plus chaudes, des feuilles et des raisins qui « grillent »… Et depuis 2016, les épisodes de gel à répétition. S’y ajoute le développement de l’Erigeron que nous avons de plus en plus de mal à maitriser. Tout cela nous conduit à des années où il devient difficile d’atteindre les objectifs de production et cela, malgré toutes les technologies que nous essayons de déployer. La question centrale est celle du devenir du vignoble de Provence par rapport aux enjeux climatiques et aux demandes de la société.

Alors, on se dit que le problème est ailleurs et qu’il faut changer le logiciel. De fil en aiguille, je suis tombé sur la bande de La Belle Vigne.

Ma première formation a eu lieu en Champagne avec Alain Canet. J’ai pris une première claque. J’en suis reparti en pensant que ce que je venais d’entendre était surprenant mais un peu marginal. C’est lors de ma seconde formation chez Noël Lassus dans le Gers que j’ai pris la « seconde couche ».  Je me suis dit : « Réveille-toi. Il y en a d’autres qui le font et ce ne sont pas des illuminés ».

Une fois rentré dans le Var, il fallait convaincre. J’ai la chance d’avoir un Directeur qui possède cette sensibilité. Il m’a lancé la perche et j’ai pu la saisir. C’est lui au départ qui m’avait envoyé dans ces formations.  L’étape suivante était donc de faire passer le message chez les adhérents.

Une première partie du chemin avait cependant déjà été réalisée. Nous sommes certifiés AgriConfiance version environnement depuis 2016 : travail sur les aires de lavage, contrôle des pulvérisateurs, réduction des phytos, mise en place d’analyses collectives à partir des cahiers de culture en renforçant les préconisations, accompagnement de la mise aux normes des locaux phytos…

Notre première approche a consisté en l’organisation de formations avec Konrad Schreiber et Alain Canet auprès de 11 viticulteurs pionniers. Tous sont restés et 3 se sont engagés dans des projets en agroforesterie. C’était une révolution sur laquelle je n’aurai même pas parié. C’est la preuve que le message a du sens.

Aujourd’hui, le Groupe conduit 5 formations différentes : taille douce, travaux en vert, thé de compost, enrobage des semences, produits lacto-fermentés sont au programme. Et je n’ai aucun souci pour remplir des sessions composées de 12 à 15 viticulteurs.

Cela se poursuit par des expérimentations chez plusieurs viticulteurs. Dans un premier temps, le Groupe Estandon a acheté les semences des couverts végétaux pour faire des essais. Aujourd’hui, les couverts se développent vraiment et les résultats sont très intéressants. On a mis en place plusieurs indicateurs pour les suivre : température, RedOx, infiltration… Une tendance nette se dégage avec des effets positifs sur le stress hydrique, une meilleure infiltration de l’eau, un RedOx qui se situe dans des zones de confort…  Désormais la peur de la concurrence hydrique avec l’enherbement naturel et tondu est en passe d’être dépassée. L’idée est qu’avec les couverts semés, on change totalement de paradigme. Un viticulteur doit quelque part devenir un peu céréalier s’il veut transformer le travail du sol par la biologie.

Certes des freins subsistent, fruits de l’habitude du travail du sol et de la croyance que le travail du sol a été toujours là : « Un binage vaut 2 arrosages », l’herbe est une concurrence qui évapore l’eau. On voulait des vignes propres. Pour lutter contre toutes ces mauvaises raisons, nous développons les formations et la communication car tout est lié. Si on remplace le travail du sol par des couverts végétaux, on va changer l’équation du Carbone en réduisant la consommation en carburant (énergie fossile) et donc les émissions de GES, et en stockant du Carbone dans les sols.

Et puis, un autre enjeu concerne le temps de travail. Quand le sol est trop sec ou trop mouillé, impossible de travailler. Avec les couverts, on peut le faire en répartissant mieux son temps dans la durée et sur des périodes plus pertinentes.  Il y a tout une réflexion à construire sur les conséquences autres qu’agronomiques de ce changement de pratique.

La prochaine étape est de m’intéresser à l’eau. J’ai pris conscience que la très mauvaise répartition de l’eau va s’aggraver.  Ici il pleut fort, mais on perd la moitié de l’eau qui tombe ce qui concourt au stress hydrique de la vigne. Pour optimiser cette ressource, il faut infiltrer, stocker et ralentir le cycle de l’eau.  On a un projet sur 6 ha ½ pour démontrer qu’un travail différent de la vigne va atténuer les effets négatifs de l’eau en aval. Le challenge, c’est de démontrer qu’un espace cultivé est un bassin de vie. Je pense que l’on redonnera ainsi une image positive du métier de vigneron.

Christophe FRANCEY - Suisse

C’est un vignoble de 800 ha en banquettes entré au patrimoine de l’UNESCO en 2007, un joyau de verdure niché aux abords du lac Léman, en Suisse. Plutôt que de l’orgueil, c’est une responsabilité qui nous oblige à poursuivre l’œuvre des moines qui ont défriché le maquis vers l’an 1000. Au sein de ce vignoble de Lavaux, me voici avec 3 hectares en terrasses.

Sur ces flancs escarpés, je cultive principalement du chasselas (70% de la superficie). Le reste est en chardonnay, pinot noir, gamay, gamaret, garanoir, diolinoir, divico (résistant au mildiou et à l’oïdium) et enfin le doral qui est un cépage suisse croisé chardonnay et chasselas. Nous produisons 8 vins différents en AOC Lavaux ou en appellation Saint-Saphorin, essentiellement vinifiés en vins secs. La vinification du chasselas nous apporte des vins assez tendres, gras, riches, friands et équilibrés. Le chasselas est le cépage roi de notre région et les vins issus de ce cépage sont généralement caractérisés par des notes fruitées et florales, parfois minérales. Ils sont une parfaite expression du terroir sur lequel pousse ce cépage et offrent un goût connu de « reviens-y ».

Tout le domaine a la particularité d’être en banquettes en travers. Les ceps de vigne sont au milieu du talus avec un replat d’environ 80 cm de large. La création de ces banquettes se fait au moment du minage, qui est le travail préparatoire du sol avant plantation. Après avoir planté dans un terrain propre et régulier, c’est la 2ème année que sont créés les replats.

Autre particularité suisse : lors d’une reprise de domaine, on a des prêts sans intérêt avant l’âge de 35 ans, mais avec l’obligation de mettre le domaine en Prestation Ecologique Requise (PER). Cela a donc été l’occasion de changer, notamment en ce qui concerne la gestion des sols. Jusqu’en 1997, 100% du domaine était désherbé. J’ai donc laissé l’enherbement en partie spontanée dans l’inter-rang. Quand je suis passé aux mélanges classiques avec trèfles, j’ai gagné quelques années de reconstitution de mon sol. Désormais, je travaille avec des engrais verts une ligne sur deux afin d’y amener de la biodiversité. Les analyses de sol étant obligatoires tous les 10 ans, je suis passé de 2.3% de matière organique en 2007 à 2,7% aujourd’hui.

Concernant la gestion de l’eau, il n’y a pas d’irrigation. Les sols sont graveleux, assez légers et filtrants. A l’époque, on ne retournait pas le sol très profond, ce qui permettait de conserver une meilleure réserve en eau. De plus, les murs ont une fonction de retenue d’eau. Mais il est vrai que jusque dans les années 70 (avant les désherbants), les opérations de buttage et de débuttage avec la charrue nous ont fait perdre des mètres cubes de terre qui partaient dans le lac à chaque orage. Avec les désherbants, l’érosion s’est réduite avant de disparaître ensuite avec l’enherbement.

J’ai profité également des opérations de minage et de reconstitution du vignoble pour changer de mode de taille. Aujourd’hui tout le domaine est en « Guyot / mi-haute ». Maintenant, on arrache et on replante sans miner systématiquement, tout en gardant les mêmes fils et piquets.

L’écologie est devenue au centre de tous nos efforts. On doit changer notre façon de faire mais en recherchant le bon compromis avec la viabilité du domaine.

En 2016, je suis parti en bio au printemps sans aucun produit de synthèse sur tout le domaine et j’ai pris une claque avec les attaques de mildiou avant floraison. En bio, on n’a plus de parachute, donc pour l’instant, je ne suis pas certifié car cela me permet de garder un joker pour les millésimes compliqués.

Cette année, nous avons eu 600 mm de pluie entre avril et juillet entrainant une forte pression mildiou. Ma stratégie est de traiter la vigne au printemps avec des produits de contact alternés avec de la synthèse. Une fois la floraison passée, je travaille mes parcelles en mode bio. Les engrais verts ont pris le relais des produits chimiques depuis 3 ans. Cela fait plus de 15 ans que je n’apporte plus d’engrais de synthèse sur tout le domaine et je sème depuis 3 ans des engrais verts plantés sur le replat des banquettes en automne. Ils sont détruits l’été suivant afin de restituer à la vigne les divers avantages de chaque plante semée. Le but est de garder la fraîcheur et l’humidité (fait office d’éponge). Cela favorise aussi les insectes dont les « auxiliaires », importants pour la biodiversité dans les vignes.

Roger et Gilles JAURE - Cognac

Est-ce parce que le cognac se trouve dans toutes les bonnes maisons à travers le monde que Roger et Gilles ont parcouru le monde ? Deux frères, deux parcours si différents et si semblables. Chez cette famille d’agriculteurs et de viticulteurs depuis 1850, il y a un goût d’aventure, de découverte, de curiosité.

A bientôt 70 ans, Roger a passé 18 ans en Grande Bretagne (de 1975 à 1993) après des études techniques en construction mécanique (BAC F1). Il ne sait pas vraiment pourquoi il avait suivi cette filière, alors après l’armée, il a rejoint une Ecole de commerce de fruits et légumes à Avignon.

De retour en Anjou, il créait une activité d’export de pommes et poires.

Gilles, 10 ans de moins, a d’abord satisfait son goût des sciences en obtenant un BAC D. Pourtant pas plus que Roger, il ne se réalise dans ses études. S’inscrire à l’Université présentait surtout l’intérêt d’obtenir une carte d’étudiant et d’aller dans un resto U pas cher.

Alors il décide de partir aux Indes avec sa sœur en 1983, avant de se diriger vers la Grèce, la Turquie et enfin Israël. En 1986, il retourne en Israël pour être volontaire et s’y installe en 1994 avec son épouse. Il s’installe dans le désert (70 mm de pluie par an) près du Sinaï. Entre-temps, il fait une formation agricole, travaille en Corrèze, en Norvège, et en zone de montagne.

Les parcours sont sinueux. C’est le souhait de leur père âgé de 73 ans de prendre sa retraite qui va les réunir. En 96-97, Roger reprend le flambeau. Gilles, passionné d’agriculture et de viticulture, le rejoint alors. Aujourd’hui il se dit « coincé huit mois par an ». Le vignoble de 12 ha ½ est planté de cépage ugni blanc vieux de 50 à  60 ans. Les vignes sont hautes (premier fil entre 1 m et 1 m 40) et le taux de Matière Organique oscille entre 3 et 4,5% sur des terres argilocalcaire assez fortes. « On est dans un pays de cocagne, tout pousse. »

Commence alors le voyage dans les vignes. En 2000, un CTE (Contrat Territorial d’Exploitation) les convertit au bio mais ils ne réussissent pas à se débarrasser d’une attaque de black rot sur une parcelle. Ce revers sera une chance qui les conduit à changer de technicien pour un « guérillero » de la vigne. Mis au placard dans son entreprise, il les initie aux principes de Lenz Mauzer sur les compatibilités avec les plantes compagnes de la vigne.

Même s’ils étaient nés sur ce terroir, Roger et Gilles avouent avoir été un temps des néoruraux : des idées autant que des proies faciles, avec des analyses peu pertinentes. S’agissant des amendements, ils épandent toutes sortes de produits sans bons résultats car le terrain était asphyxié.

Le « guérillero » leur inculque alors les principes. A l’époque de leur père, entre le désherbage total, les apports de fumier de volaille issu de l’élevage familial et la taille avec la pré-tailleuse, on ne voyait plus les pieds de vigne.

De cette époque, il restera les engrais verts qui ont bien évolué depuis. Depuis les féveroles et l’avoine du début, le nombre d’espèces a augmenté. Le cycle repose sur une alternance de céréales, de légumineuses, et de crucifères. Le semis se fait en deux fois, les petites graines étant juste posée sur le sol. La destruction du couvert se fait en sortie d’hiver sous le cavaillon et les bois de taille sont broyés 1 rang sur 2. Avec le temps, les frères Jauré ont arrêté le désherbage au mois de mars, et désormais la végétation monte très haut. Leur rendement peut atteindre jusqu’à 20 tMS.

Ils ont fait des erreurs aussi, comme l’arrêt les apports de fumier, n’ayant plus d’élevage de volaille. Dans les années 2000, le lierre et des pousses de chêne envahissaient le cavaillon.  On a aussi réduit les ceps, notamment parce que notre père ne taillait pas la vigne et qu’elle ressemblait à un immense fouillis. Le résultat a été une baisse des rendements et la vigne a plongé.

Aujourd’hui, ils reconnaissent avoir vécu beaucoup de phénomènes sans les comprendre. Marceau Bourdarias les a aidés à analyser ce qui est arrivé. La complantation de jeunes pieds a, par exemple, redonné du dynamisme à des vieux pieds plus faibles depuis 10 ans. La raison est à chercher dans la symbiose et dans la communication entre ceps à travers le mycorhize. Les jeunes plants sont tressées, les autres faucillés et contre l’esca, les pieds malades sont percés et traités avec de l’eau oxygénée. Des ficelles de couleur permettent de faire un suivi d’une année sur l’autre.  

Avant de travailler, Roger et Gilles regardent la plante, ce qu’elle fait et sa résilience plutôt que de faire feu de tout bois. Ils ont bien repris la taille manuelle à la suite de leur père mais ils se confrontent au manque de ressources en tailleurs de qualité. Pour eux, « tout ce qui se passe dans les vignes est expérimental. Et il faut toujours le faire avec l’outil le plus léger. »

L’agroforesterie est un sujet plus difficile, sinon impossible en intra-parcellaire en raison de la mécanisation. Pour Gilles, les arbres peuvent être plantés en bordure de parcelles mais il faut laisser la place à la jeune génération pour qu’ils puissent accomplir leur rêve. Il observe cependant le cas d’une vieille vigne qui a été arrachée ou Il subsistait deux vieux cerisier guindoyer. Un pied de vigne est monté dans l’arbre et fait aujourd’hui de beaux fruits. « On le suit. »

Avec le confinement, les ventes de cognac par internet et les livraisons à domicile ont explosées. Plus que jamais, il faut des rendements très élevés. Auparavant, il fallait produire 6 hl d’alcool pur par hectare. Aujourd’hui, l’objectif qui varie d’une année sur l’autre en fonction des récoltes et des ventes se situe à 12 hl l’an passé et probablement 15 à 16 hl d’alcool pur par hectare cette année.

Dans l’immédiat, les projets de Roger & Gilles sont de recruter une équipe de tailleurs expérimentés et de planter 2 hectares ½ de vigne. Le rêve de Gilles est de rentrer chez lui en Israël, partager la poterie avec son épouse et surtout planter une vigne là-bas. 

Elian DA ROS - Domaine DA ROS

Dans mon parcours, je crois qu’il y a de l’obstination autant que de la persévérance. parce que je désirais faire mon premier stage en Bourgogne plutôt que dans le Bordelais, ma professeure de viticulture a eu ces mots : « Da Ros, tu feras toujours comme tu voudras ». Et j’avoue que j’ai toujours su ce que je voulais.

A l’âge de 3 ans, je voulais devenir être paysan ; et à 8 ans, vigneron. A l’âge de 15 ans j’ai donc entamé des études de viticulture-œnologie.

Mais ce sont des rencontres majeures qui m’ont forgé. D’abord au Lycée de La Tour Blanche (1er cru de Sauternes), à l’époque du BAC Pro, nous étions un petit groupe d’étudiants avec une grande exigence de qualité. Le dimanche j’arbitrais des matchs de basket pour gagner de l’argent et constituer ma cave.

La première rencontre déterminante a été en BTS à Montpellier avec un professeur de viticulture atypique, André CRESPY. Les supports de ses cours, c’était ses livres. Comme il jugeait inutile de les réciter, nous posions toutes les questions et on discutait. Il a éveillé ma curiosité et a forgé toute une génération. Son credo était de placer l’importance de la viticulture par rapport à l’œnologie. L’immense expérience en viticulture qu’il partageait avec nous prenait souvent le pas sur l’œnologie

L’autre rencontre majeure, c’est de 1992 à 1997, le travail au domaine Zind Humbrecht, en Alsace : Léonard Humbrecht a été mon maître à penser et le reste.

1997 marque alors le retour sur le domaine familial dans les Côtes du Marmandais sur la rive gauche de la Garonne. Mon père y cultivait des tomates, des céréales, du tabac et des vignes dont il apportait les raisins à la cave coopérative du village. Il sera victime des produits phytosanitaire, ce qui sera un choc pour moi.

Dès mon enfance, ma grand-mère maternelle qui m’apprend quelques notions sur la partie chais, je créé donc un chais pour y faire mon vin. Je voulais faire du vin, donc j’ai commencé par les vignes pour gagner en précision et en qualité au vignoble. 1998 est mon premier millésime. Et tout s’enchaine : le passage en culture biologique en 2000 car je ne veux pas mourir jeune comme mon père, puis en biodynamie en 2002 sur 5 hectares puis très rapidement sur l’ensemble du vignoble.

En 2003, je rogne et je casse la rogneuse. J’avais fait une partie de la propriété donc j’ai fait comme le grand père. Il était métayer et avait deux règles : interdiction de jeter des pots de chambres dans la vigne et interdiction d’épointer. Donc il faisait un petit tressage. Les raisins que je ramasse ne sont pas les mêmes. Ils commencent à changer, le goût aussi. J’atteins en 2005 un premier palier. Donc depuis j’enroule, sauf sur les petites cuvées.

2008 constitue le véritable pallier. Les 10 ans de mise en place commencent à porter leur fruits et me conforte dans la direction que j’ai prise.  Ce qui change, ce sont des tanins plus fins, avec plus de maturité et plus de complexité aromatique. Mais la base c’est la vigne.

Nous portons beaucoup d’attention au travail et au soin des vignes, car c’est la somme de petits détails pratiqués tout au long de l’année qui fera une grande différence qualitative à l’arrivée. En cave aussi, nous travaillons en douceur pour respecter le raisin mais surtout nous les accompagnons afin qu’ils expriment le terroir d’où ils viennent et le caractère unique de chaque millésime.

Aujourd’hui, la vigne doit savoir se protéger du soleil et des périodes caniculaires, en même temps qu’elle doit s’adapter aux périodes d’intenses précipitations. Je fais le pompier depuis 4 ou 5 ans mais le mur arrive et on ne peut pas le pousser.

J’explore donc toutes les pistes qui me sont offertes. Je pratique la sélection massale depuis 1997. Je fais aussi des expérimentations sur la résistance à la sécheresse et sur amélioration de la santé de la vigne pour avoir des raisins gouteux. Il n’y a pas que la nutrition de la vigne mais toujours pleins de détails. Ainsi, l’entretien des couverts végétaux naturels se passe bien, parfois avec quelques touches supplémentaires au niveau des semis. C’est plus compliqué, pour moi, avec les couverts semés.

Ma chance est d’avoir des paysages variés. En 2008, j’ai planté 1 km de haies pour remettre en vie la faune et la flore. Et je poursuis avec la plantation de 500 arbres intra-parcellaires. Il faut apporter de l’ombrage sur les parcelles solaires et protéger du vent d’autan qui assèche.

C’est mon ressenti qui me guide. Ce qui peut me faire du mal lui fera du mal. Je pratique l’effeuillage juste avant les vendanges quand je sens que le soleil ne me brûle plus la peau. Il faut faire preuve de bon sens.

Certains diront que je fais des vins natures, d’autres que je fais dans le classique. Je suis entre deux : j’aime les vins plutôt purs, même s’il m’arrive de rajouter un peu de soufre à la vinification. J’aime les vins qui ont de la fraicheur, je peux être dégustateur mais je suis d’abord un buveur de vin. En fait, je fais des vins naturellement, sans dogme.

LA BELLE VIGNE m’a redonné confiance sur des orientations à prendre ou là où j’avais des doutes (comme sur les semis) comme sur le RedOx par exemple. Quand on est face à un problème, il faut éviter de patiner, le prendre à bras le corps et accélérer. Grâce à l’équipe de la Belle Vigne, j’ai gagné 5 ans. Au lieu de chercher l’information, elle viennent à toi. La grande classe, c’est de la mettre à disposition pour éduquer, éduquer…

Pierre Olivier CLOUET - Château Cheval Blanc

Fascinant et fasciné ! Je sais que cela peut revenir souvent dans mon vocabulaire. Je ne vais pas m’en excuser car cela revient souvent dans ma vie.

Enfant du Pays d’Auge (Normandie), malgré des études en ingénierie agro-alimentaire, j’ai très vite été fasciné par le milieu du vin. En dépit de mon origine géographique très éloignée des vignobles, mon grand-père, amoureux des vins du Médoc, m’avait instruit dans cette culture.  

Alors, en fin de 1ère année, je réalise mon stage d’été chez un vigneron bordelais. Du matin au soir, je suis aux champs et dans la cave. J’adore cette vie tellement pleine et la fabrication du vin qui commence dans la vigne. Dès lors, je vais orienter tous mes stages vers la viticulture et l’œnologie.

Donc l’année suivante, en 2003, direction Rivesaltes dans un très grand domaine, allant de vins d’entrée de gamme à de bonnes cuvées. J’expérimente tout : vin blanc, vin rouge, vin muté, élevé en fûts, méthode effervescente,… Toutes les vinifications qui existent sont pratiquées dans cette cave. J’aborde des techniques dont il faudra ensuite que je m’affranchisse.

En 2004, ce sera mon stage diplômant au Château Cheval Blanc où Pierre Lurton accepte un jeune faisant en plus des études en ingénierie agro-alimentaire. Me voilà pour ce stage, sans piston, sans connaissance particulière, ne connaissant pas les conventions, avec un léger degré d’inconscience et de naïveté. Mais j’étais heureux de prendre conscience de ce que signifie la qualité du terroir. Arrivé en avril, je passe 6 mois dans les vignes, ce qui ne fait que renforcer mes convictions et mon envie d’en faire mon métier.

Après un diplôme national d’œnologie à Bordeaux que j’obtiens 2 ans plus tard, je retourne à Cheval Blanc pour remplacer une dame enceinte et guider les visites.

C’est à cette période que Cheval Blanc rachète le vignoble de La Tour du Pin Figeac dont les parcelles sont imbriquées dans celles de Cheval Blanc. Et Pierre Lurton me propose d’en devenir Maître de Chai(pas de s à chai). Jeune marié, je m’éclate pendant 2 ans à apprivoiser ce chais et à faire tous les métiers : je faisais du vin avec les moyens de Cheval Blanc !

Et lorsque Olivier Berrouet avec qui j’avais fait mon stage de fin d’études, devient DG de Petrus, Pierre Lurton me propose de le remplacer comme Directeur Technique de Cheval Blanc. J’ai 28 ans pour un poste généralement occupé par des cinquantenaires aguerris. Le costume me parait beaucoup trop grand. C’est ma femme qui me convainc que je ne peux pas dire non. J’enfile donc le costume et me voilà dirigeant des gens qui m’avaient encadré quand j’étais stagiaire.

C’est une époque de renouveau pour Cheval Blanc qui se lance encore plus loin dans la sélection parcellaire. J’avais encore du lait au bout du nez, mais avec une feuille blanche devant soi c’est plus facile d’entreprendre. On réinvente alors la façon de travailler et c’est le début de 10 à 12 années d’émulation.

Le nouveau chais a fait bouger les vignes. Il nous a permis de travailler la résolution pour donner une image plus nette, plus claire, plus pure, plus détaillée, plus résolue de nos vins. Sur 39 ha divisés en 53 parcelles avec des sols, des porte-greffes, des couleurs différentes, notre vignoble possède la diversité d’un orchestre symphonique. Il faut mettre en valeur tous les instruments pour permettre des assemblages d’exception et faire que tout soit prêt au bon moment pour tirer le meilleur de chaque parcelle.

Faire un grand vin, c’est 4000 détails et c’est un travail pied par pied, pour préserver le matériel végétal, faire une sélection massale et conserver la patrimoine de la maison pour le réinstaller.

Cette notion de patrimoine est centrale. Elle part de l’idée que faire un cru c’est magnifier l’expression d’un lieu. Tout ce qui rentre dans la constitution des raisins et du vin doit venir de Cheval Blanc, dans une sorte d’économie circulaire. Sur le domaine, il y a donc 200 poulardes, 5 cochons, 60 poules pondeuses , 16 ruches, 35 brebis pour 40 agnelages annuels, 5.000m² de potagers, 850 arbres fruitiers. C’est un écosystème complet que nous enrichissons en permanence par une viticulture sur sol vivant, avec des couverts végétaux et des dispositifs de biodiversité (haies, arbres intra-parcellaires, corridors écologiques, nichoirs,…). On l’avait oublié depuis 100 ans avec la crise du phylloxera, mais pendant 2000 ans la vigne était un espace de polyculture avec toute cette diversité.

En recherchant une diversité de plus en plus importante, l’objectif est de faire baisser la pression phytosanitaire, de réduire les intrants exogènes, d’assurer une fertilité naturelle… Le Graal serait, bien sûr, de se passer de phytos. Nous avons banni les herbicides, divisé par 2 les pesticides en 10 ans et limiter le Cuivre. Mais quand le mildiou menace, il y a peu de choix autre que les traitements. 

De même, notre méthode de vinification est très dépouillée : du blanc d’œuf, du soufre, nos propres levures.. Les vins expriment ce que la nature vous donne. Ce qui me fascine, c’est d’enfermer dans des bouteilles l’expression d’un lieu, de créer une capsule temporelle. C’est jamais comme on pensait que ça allait être. Je vais avoir plaisir à vieillir parce qu’à chaque ouverture, je replonge dans mes souvenirs.

Alors, nous faisons en sorte que cette évolution soit douce. Bien sûr, le challenge est de passer du temps pour guider le millésime. Mais l’essentiel est dans l’anticipation : un bon matériel végétal, de bons porte greffes… L’enjeu aujourd’hui est de calmer la réaction de nos vignobles aux changements climatiques. Il y a 7-8 ans, je minimisais le sujet. Depuis 2016, les années sèches se succèdent. Il faut mettre en place un amortisseur climatique : sols couverts pour la fraîcheur de la vigne dans les périodes solaires et pour limiter la montée en degré du vin, supprimer l’érosion des sols, créer de l’ombre pour faire remonter l’eau du sol… en gardant l’identité de Cheval Blanc.

Nous réalisons beaucoup d’essais. Nous avons la chance d’avoir les moyens pour conduire cette recherche appliquée de façon scientifique et très sérieuse. De même que nous mesurons les résultats. Et 2 à 3 fois par an, nous réunissons des Directeurs techniques et des Maîtres de chais pour assister à la présentation des thèses de l’Institut des Vins de Bordeaux, car ce transfert de connaissances est important.

Nos efforts sont imperceptibles car nous ne misons pas sur des effets d’annonce. Être pondérés et modérés dans la communication, c’est respecter le temps long. Mais je suis certain du potentiel d’entrainement. Il y a plein de façons de faire de la viticulture comme en témoigne le grand nombre d’initiatives actuellement. Le bordelais est une région qui bouge.

C’est vrai que, de tout temps, les vignerons se sont adaptés autour de cet adage « il faut tout changer pour que rien ne change ». Et cela me fascine dès le début, encore plus parce que maintenant je fais partie de cette aventure.

Frédéric SCHWERTZ - Domaine des Maels

Je ne sais pas s’il y a une influence astrale sur la culture de la vigne. En revanche, si je regarde ma vie, comment ne pas croire qu’elle n’a pas été placée sous le signe de l’alignement des planètes. Bien sûr, c’est un peu prétentieux ou excessif mais franchement, il y a des coïncidences plus qu’heureuses dans la vie d’un homme.

Cette histoire commence par la rencontre de mon épouse lors de nos études d’œnologie en Champagne. Amour de jeunesse qui mûrit pendant 3 années passées en Alsace ensemble. Et au moment de nous installer, mes beaux-parents nous invitent à nous tourner vers des contrées ensoleillées. Ah ! Le soleil !

Suite à une dégustation dans le Languedoc et après une vingtaine de visites, le Minervois entre Canal du Midi et Pays de l’Aude nous tend les bras, à Argens. Nous sommes séduits par une dégustation, un terroir, des vignes et un coucher de soleil. C’est ici que nous devions être, réponse à tout ce que nous désirions : une cave sur un lieu de passage, à proximité d’un petit village. Il y avait des cépages blancs (Venant d’alsace, ça on connaissait), un petit clos très sympa planté en syrah et grenache pour des vins haut de gamme

Notre maison était attenante à la cave et mes parents ont trouvé une maison dans le même village le jour de la signature.

Alors, nous voilà à la tête de 15 ha, une partie en Minervois, une autre en vin de pays d’Oc. Que de terroirs différents ! En plaine ou en coteaux avec une belle palette de cépages différents : colombard, grenache, merlot, cinsault, syrah, carignan et mourvèdre.

Le nom du domaine Maels est issu de la contraction des initiales du prénom de nos 2 filles dont la 2nde est née le dernier jour de nos premières vendanges.

L’acclimatation a été facile avec les autres vignerons. Ce sont des gens très ouverts et beaucoup de nouvelles installations ont eu lieu à la même époque que nous.

Dès le départ, le projet dans l’installation était de travailler en bio. Mais par prudence, nous avons cherché les bons interlocuteurs et les bons formateurs. Au cours de la 1ère année, avec le soutien de notre ancien propriétaire, nous avons suivi sa méthode de travail même si le vignoble était conduit de façon traditionnel en labour et désherbage systématique. Le vignoble était jeune, il a été replanté dans les années 90.

Dès la 2ème saison, nous avons arrêté le désherbage chimique. Même si nous avons par la suite été les pionniers en agriculture raisonnée,  il fallait persévérer dans la voie de l’agro écologie.

Alors nous avons démarré en bio en 2008. J’ai préféré une démarche des petits pas, de réinvestissement, pour « ne pas louper la récolte ». C’est vrai que j’aurai voulu aller plus vite mais était-ce bien raisonnable ?

S’agissant de la fertilisation, nous avons au départ incorporé du fumier de bovin dans les sols en labourant. De 1%, le taux de MO est passé à 1,1 ou 1,2% au bout de 10 ans, avec toujours des problèmes d’érosion. Quelque chose ne fonctionnait toujours pas.

Nous avons donc implanté depuis 5 ans des couverts végétaux dans nos vignes avec des mélanges de vesce, fèverole, avoine noire, radis fourrager et moutarde. Il y a peu de références dans la zone méditerranéenne, donc nous sommes très vigilants aux contraintes hydriques et au démarrage avec l’azote. J’apporte également du broyat de déchets verts (à hauteur de 20T/Ha) fournis par la Communauté de Communes via Suez organique.

Le changement s’est produit en 2015 après une conférence avec Alain CANET et Konrad SCHREIBER. Depuis, j’ai conduit un essai sur un plateau venteux sans arbres. J’ai planté des arbres intra-parcellaires (50 arbres/ha), installé des nichoirs, des tas de pierre, des haies. Cinq ans après, la différence est difficilement mesurable mais cette parcelle était difficile. En tout cas, je n’observe aucune concurrence entre l’arbre et la vigne.

S’agissant de la conduite des couverts, je sème début septembre et je détruis dès le démarrage de la vigne. Initialement, je le faisais par roulage. Aujourd’hui, j’utilise un discage en incorporant les résidus dans les 5 premiers cm pour une restitution un peu plus rapide de l’azote. Je le fais parce qu’à mon avis, pour le roulage, il faudrait une biomasse plus importante (au niveau de la hanche) que celle que je réussis à produire actuellement.

Alors, en partenariat avec le Biocivam 11, je vais faire cette année des essais sur les différents modes de destruction des couverts.

Avec Luc Fonta, nous faisons partie du même GIEE. Nous venons de faire une formation sur le potentiel RedOx que j’essaye d’intégrer à mes programmes de traitement. Et je voudrai aller plus loin.  D’ores et déjà, sur les produits de traitement, j’essaye d’être en milieu acide (pH 3), y compris sur l’eau de traitement.

Dans le même temps, j’essaye d’arrêter de labourer. Je travaille actuellement en TCS.

Alors, je fais beaucoup de mesures, notamment pour analyser la concurrence azotée et hydrique, car ici on assèche très vite les sols.

Dans les essais que je conduis, je réalise des essais ASSIMIL K Starter que j‘incorpore à l’irrigation en goutte à goutte sur mon vignoble.  J’ai divisé une parcelle de Merlot en deux, l’une avec ASSIMIL K Starter, l’autre sans. Sur la parcelle bénéficiant du traitement, la teneur en Azote était 200% fois plus importante au moment de la maturité.  Cette année, je vais donc faire un double traitement, l’un au mois de mars pour être bien pourvu en azote au moment de la floraison, et l’autre début juillet pour avoir un pic au moment de la maturité.

Les choses changent dans tous les secteurs de notre activité. Prenons la vinification par exemple : vinifier sans sulfite est un processus que l’on ne maitrisait pas il y a quelque temps. Désormais nous proposons des cuvées sans sulfite en blanc et en rouge. Et dans la période très difficile que nous vivons avec le COVID, avec ces arguments, les ventes professionnelles aux cavistes ont compensé et dépassé celle des 12 salons auxquelles nous participions avant.

Demain ? Je pense que nous n’atteindrons l’équilibre qu’avec un taux de MO de 2% L’équilibre, voilà un bien beau mot pour un bien bel objectif.

 

 

Carine MAGOT - Les Vignerons de Buzet

Entrer dans une entreprise coopérative comme « Les Vignerons de Buzet », c’est comme s’asseoir à l’écriture d’une histoire extraordinaire. Les pages avaient commencé à s’écrire et il fallait poursuivre la narration de ce livre tout en sachant que sa conclusion s’étalerait sur plusieurs tomes. Avez-vous déjà connu cette envie de connaître la page suivante, ce désir de rêve ? C’est comme ça que je suis devenue Responsable du service Vignes des « Vignerons de Buzet ».

J’en avais l’envie et le projet proposé m’inspirait. Je peux le dire, l’envie de m’inscrire dans cette histoire que le Directeur Général avant initiée en 2005 a été très forte. L’appel de 150 vignerons et 200 hectares en AOC Buzet m’a happé il y a 11 ans.

J’avais œuvré pendant 10 ans dans une coopérative du Marmandais. Et j’ai été séduite par le dynamisme de la coopérative des « Vignerons de Buzet » par leurs projets et leur envie de s’approprier le développement Durable et aujourd’hui l’agroécologie. Vous dire qu’ils ont été précurseurs ? Sans aucun doute.

Pour moi, cela commence en 2009 au sein de la coopérative. Après des années difficiles, le nouveau Directeur Général (toujours en poste aujourd’hui) avait engagé cette stratégie innovante dès 2005. Autour d’un projet rassembleur, les premiers projets structurants portaient sur la réductions des intrants, sur la fertilisation organique et la préservation de la biodiversité.

La philosophie qui nous anime est de produire le plus propre possible, sans résidu dans le vin, en préservant la biodiversité et avec une culture du sol vivant. En effet, la vigne sera plus résiliente à condition qu’elle soit en adéquation avec son sol. C’est une dimension essentielle.

Le succès de la démarche ne tient pas uniquement aux thématiques engagées, mais surtout à la méthode employée. Notre objectif est que nos 150 adhérents, représentant 2000 ha en AOC Buzet aillent dans la même direction. La politique des « petits pas » doit permettre à tout le monde de s’approprier les sujets à leur propre rythme avec pour objectif que tout le monde soit dans la même direction. Pour cela, nous organisons des formations là où cela nous paraît être le plus nécessaire. L’étape suivante est alors de contractualiser, selon un système de points et d’amélioration continue (programme AgriConfiance). Le dernier stade est l’accompagnement. 

Ainsi, nous avons pu travailler sur de nombreux aspects de la conduite de la vigne : gestion des effluents, sols vivants, protection phytosanitaire, biocontrôle… S’il est encore difficile aujourd’hui de ne miser que sur des produits alternatifs, nous allons essayer cette année de faire une expérimentation en Zéro phyto. Dans cette démarche, nous définissons collectivement avec les vignerons les directions pour l’année à venir en fonction de ce qui marche et de ce qui ne marche pas.

Pour sécuriser notre approche, nous disposons d’un vignoble en propre de 80 ha nous permettant de tester des itinéraires et de qualifier des pratiques. C’est un peu notre laboratoire témoin. Et nous restituons régulièrement les résultats.

Si je prends l’exemple des couverts végétaux, nous avons démarré les premiers essais en 2011 avec une plateforme expérimentale (broyage, enfoui, tonte, enherbement naturel, spontané). Nous nous sommes laissé quelques années pour rassembler tout le monde, des pionniers aux suiveurs et jusqu’aux réfractaires. Résultat, aujourd’hui 70% du vignoble est mené avec des couverts végétaux.

Actuellement sur le vignoble expérimental, 17 ha ont été plantés en 2019 avec l’ambition de créer le vignoble de demain. Comment on aimerait que la vigne soit dans 100 ans (sociétales, climatiques, réglementaires) : auto fertile, sans intrant, résilient, résistant. 25 modalités différentes ont été installées, en port retombant pour créer un micro climat au niveau des grappes, sans irrigation, avec une couverture intégrale, en agroforesterie et en développant des zones humides pour créer des zones de fraicheur. La taille mécanique (hors CdC des AOC) permet d’obtenir de petites grappes, avec des petites baies moins sensibles aux maladies.

Mais tout cela demande un délai de mise en œuvre. Il s’agit de changer le mode de conduite de la vigne, de changer l’architecture générale des pieds de vigne, de lutter contre changements climatiques en décalant la maturation du raisin. 

Au final, on gagne en confiance au fur et à mesure que nous avançons. Nos résultats sont mesurables : un IFT de 10 au lieu de la moyenne régionale de 16,5, des taux de MO plutôt confortables (entre 2,5 et 3), des relevés floristiques tous les 4 ans qui montrent une biodiversité en augmentation régulière. Tout cela doit nous aider à anticiper les problématiques à venir, dont celle de la pression sociétale

Dans cette aventure, ce qui est réjouissant, c’est le partage, le retour d’expérience, la démarche collective qui sont des gages de réussite. C’est rassurant d’être ensemble en essayant de faire avancer la filière viticole.

Noël LASSUS - Château de Montluc

Peut-être devrais-je qualifier mon parcours de chaotique tout en même temps que très linéaire. En effet, depuis toujours, j’ai voulu revenir sur le domaine familial ; ce que j’ai fait après des études en biologie et en œnologie. Mais de retour à la maison, j’ai tout fait sauf de l’agriculture. J’étais frustré car je voulais « faire pousser des choses » autant en viticulture qu’en grandes cultures puisque la ferme abritait les 2 activités.

A tout chose, malheur est bon : j’ai fait de l’administration, du commercial, et je me suis formé aux techniques de chais…

Pourtant, tout ne fonctionnait pas bien. Dans ce vignoble qui était important, conduit selon des techniques standard conventionnelles, plus ça allait, moins ça marchait. Les traitements contre le botrytis, par exemple, étaient inefficaces. Sauf quand on les arrêtait !

J’ai donc convaincu mon père de changer. Là encore, ce ne fut pas un long fleuve tranquille.

Il y a 20 ans, nous avons supprimé le désherbage du cavaillon. Nous avons ensuite supprimé les engrais, ce qui s’est immédiatement traduit pas une baisse des rendements.

En 2008, suite à une très grosse attaque de mildiou, nous sommes donc passé en bio. Toujours sans fertilisants, l’idée était de se dire qu’un sol vivant résoudrait les problèmes des plantes. Pendant 7 à 8 ans, le biologie est revenue dans les sols, mais subsistait le problème d’un taux de Matière Organique faible.

Et puis, à l’issue d’une formation il y a 10 ans, Konrad a visité la ferme. Sa première réaction a été de rire en regardant mes tournesols chétifs car « tout le monde sait que le tournesol en semis direct, ça ne marche pas ». Ca a été le début d’une grande remise en question.

Face aux nombreux blocages du sol, liés notamment à un pH de 8,4, nous avons changé nos rotations avec d’autres plantes, comme le semis de blé sur luzerne. Je suis passé en biodynamie, à l’épandage de compost Maria Thun et au Thé de Compost Oxygéné (TCO). Ce sont des techniques que j’essaye d’apprivoiser doucement.

Depuis 5 ans maintenant, avec ma fille, nous avons évolué vers la polyculture élevage autour de 8 à 9 ha de vigne, 8 ha de luzerne, 8 ha de blé, 8 ha de féverole. Sur les 10 ha de prairies temporaires et les 7 ha de prairies permanentes, nous élevons une dizaine de moutons. Et nous engraissons entre 15 et 20 têtes de bovins, dont 5 nouvelles têtes par an : la race élevée est la jersiaise, une race bovine anglo-normande. A cela s’ajoutent 10 ha de frênaie et de bois destinés à la production de BRF.

Je produis du blanc en chardonnay et du rouge, ainsi que du vin pour l’armagnac. Mes couverts végétaux, spontanés en 2013, sont aujourd’hui semés sur une base de féverole, de seigle, de vesce. Je roule 1 rang sur 2 après floraison.

J’ai du adapter la forme de la vigne en rehaussant le palissage. Il y avait deux manières de voir : soit limiter la croissance du couvert, soit mettre la vigne au-dessus (à 1m70). Je pense que la seconde option est trop haute et qu’il faut limiter à 1m50. En tout cas, l’effet de protection au gel est indéniable, car j’observe que sur la baguette, rien ne gèle.

Comme mon objectif est d’augmenter la vitalité de ma vigne, plus que sa vigueur, j’ai adopté la taille Marceau ainsi que le tressage. J’utilise aussi la Vitamine C. Et je prépare mon eau de traitement, avec des filtres charbon, un échange d’ions et un dynamiseur. En revanche, je suis plus prudent en ce qui concerne les acides aminés car je pense qu’on ne les maitrise pas encore totalement.

Dans ce parcours un peu chaotique, ou plutôt semé de doutes, de changements, d’échecs, de rencontres et de succès, me vient en mémoire une série de formations dans tous les vignobles de France. Dans le tour de plaine, on observait 3 générations : le grand-père restait d’abord en retrait avant de se rapprocher et de raconter ce qu’il y avait des arbres partout dans les vignes. Et la jonction s’opérait avec le petit fils tandis que le père restait rigide.

Cela illustre les dangers de la vigne demain : une baisse de production, une standardisation, la qualité pas au rendez-vous, des systèmes de conduite pas adaptés aux changements climatiques, la rigidité des cahiers des charges des appellations.

Alors aujourd’hui, je poursuis mon aventure. Depuis 4 ans, j’ai relancé (pour la 3ème fois) une production d’armagnac sur le domaine. Comment je recherche à produire de la valeur ajoutée à l’échelle de la vigne, je vais aussi me diversifier en créant une houblonnière. Et bien sûr, je développe l’agroforesterie par la plantation d’érables champêtres dans mes parcelles de vigne. Et avec des frênes haut de 3 m, j’ai même observé que les machines de vendange mécanique passaient beaucoup mieux.

Enfin, je m’investis dans la diffusion de l’agroécologie… Mais ça, à La Belle Vigne, tout le monde le sait !

Claire VILLARS LURTON - Château Haut Bages Libéral et Château Ferrière

Plutôt destinée à une carrière dans la physique quantique, c’est à partir de 1992 que je reprends la direction des Châteaux Ferrière et Haut Bages.

Le château Ferrière est un domaine viticole de 24 hectares (dont 10 hectares plantés en 1955) situé à Margaux en Gironde. Il fut fondé au XVIIIème siècle par Gabriel Ferrière (courtier maritime pour Louis XV) et la propriété est rachetée par ma famille en 1988. Château Ferrière est classé un troisième grand cru classé en 1855 en appellation margaux. Nous y réalisons une sélection massale basée sur le suivi des ceps les plus qualitatifs. Les ceps ainsi sélectionnés subissent un contrôle sanitaire en laboratoire pour s’assurer qu’ils sont sains (viroses) afin de pouvoir les multiplier. Les cépages qui composent la propriété sont le Cabernet franc, le Cabernet sauvignon, le Merlot et le petit Verdot.

Le Château Haut Bages Libéral, grand cru classé en 1855 a été fondé aussi au XVIIIème siècle par la famille Libéral et il a été racheté par ma famille en 1982.

C’est une propriété de 30 hectares dont 15 ha regardent la rivière (la Gironde) et qui présente deux terroirs différents : graves profondes et graves calcaires. Nous vendons 90 % de notre production annuelle en primeur aux négociants de Bordeaux.

C’est à Haut Bages Liberal que nous avons commencé à mettre en œuvre des pratiques  biologique et agro écologiques en commençant par la couverture des sols ainsi que la plantation de haies et d’arbres autour de la propriété en 2007.  Nous allons planter, cet hiver  des rangées d’arbres tous les 14 rangs sur 2 hectares.

Notre approche sur les couverts végétaux s’est portée au départ sur l’amélioration de la portance du sol pour limiter le tassement lié aux passages successif des engins agricoles surtout sur la partie argilo calcaire de la propriété. Nos premiers essais ont été réalisés avec du RayGrass mais sa gestion était mal adaptée car nous avions des stress hydriques récurrents avec de fortes baisses de rendement. Nous avons alors évolué vers des espèces moins concurrentielles tel que l’orge.

Sur Château Ferrière nous avons pratiqué en même temps que la conversion en BIO, l’enherbement spontané depuis 2010.

Mais nous nous sommes confrontés à un manque de biomasse du a un appauvrissement des sols, (composés exclusivement de graves profondes) notamment dus aux chaussages / déchaussages et une perte de vigueur des pieds de vignes et des chutes de rendements récurrents. Comme à Haut Bages, nous y pratiquons la taille en Guyot double.

La mise en place de ces pratiques dans le médoc ne s’est pas faite sans critiques. Mais les attentes des citoyens ont changé et de plus en plus de grands Châteaux s’interrogent sur ces méthodes agronomiques. Notre volonté en tant que membres fondateurs de La Belle Vigne est de sensibiliser et accompagner le vignoble Bordelais dans la transition agroécologique : on veut fédérer des vocations autour de ce sujet.

Florian CURTET - Vins de Savoie

C’est l’arbre la réponse pour produire plus et mieux grâce notamment à l’augmentation de la surface photosynthétique. Je conduis ce projet de façon contrôlée et modérée. On parle d’environ 500 arbres intra-parcellaires par hectare. Tous les 35 mètres, j’implante une haie. Dans l’intervalle, je positionne des arbres isolés tous les 6 mètres de largeur et alignés sur le rang tous les 10 mètres. Ce sont des tilleuls, des mûriers, des alisiers et des érables champêtres,… Dans 25 ans, la structure de palissage deviendra l’arbre. Le fruitier viendra en ponctuation mais en moins grande quantité afin de diversifier notre production (olivier, figuier, cerisier, prunier, pêcher, amandier…).

Je ne sais pas précisément comment ça va s’organiser. Mais quand les arbres auront pris de l’ampleur, ce sera autre chose. Je suis conscient que le côté structurel ne produira ses effets dans une vingtaine d’années.

Ce projet me tient à  cœur depuis la reprise du vignoble en 2016. Dans le cadre de mon BTS viticulture-oenologie en alternance, j’avais fait mon apprentissage en Savoie. J’y ai rencontré des pionniers qui cherchaient la voie vers des vins nature. Puis l’agroécologie est arrivée et m’a ouvert de nouvelles perspectives.

J’ai travaillé avec mon prédécesseur qui avait déjà converti le vignoble en agriculture biologique depuis 2004. A cette époque, il y avait deux cépages blancs et 3 cépages rouges.

Aujourd’hui, sur les 6 ha ½, la densité de plantation est de 5800 pieds avec un écartement de 2 mètres et un espacement de 85 cm sous le rang. .

Je pratique la complantation. Après plusieurs expériences peu concluantes parce que je n’allais pas au bout de la démarche, je complante désormais dans du BRF. Les cépages blanc sont ainsi la mondeuse blanche et la mondeuse grise, altesse, jacquere, gringet, molette, savagnin ; les cépages rouges, gamay, pinot noir et mondeuse noire. Cette pratique ne pose pas de problème car, avec la diversité, les dates de maturité s’équilibrent. En revanche, la difficulté vient de ce que certains ports poussent droit alors que d’autres sont retombants. J’essaye donc d’imaginer des cépages qui sont le support des autres.

Situés à 500 m du Rhône, mes sols sont drainants, pentus et sableux et majoritairement exposés soleil couchant. En dépit de la couverture des sols, le vignoble souffre régulièrement de la sécheresse depuis 2017. L’enherbement de mes parcelles est spontané, avec une dominante de graminées et légumineuses adaptées au milieu (sainfoin, trèfle, vesce, carottes) et j’ai peu de levée d’adventices. Je me contente de rouler le couvert 3 jours avant les vendanges, uniquement pour des raisons de confort. S’agissant du cavaillon que je débroussaillais au début, je ne fais plus rien depuis que j’ai remonté mes pieds à 70-80 cm. Je pense qu’à terme, je ne coucherai même plus le couvert végétal.

Outre l’idée que je souhaite me diriger vers un système complet et autonome, j’avoue  une certaine aversion pour le machinisme. La force vive est l’humain, nous sommes en effet 4 personnes à temps plein sur la ferme.

Je passe actuellement de 5 à 6 fois par an. Et dans 20 ans, je formule le vœu de ne plus faire de traitement. Pour l’instant, mes préparations sont composées d’un gros volume de petit lait (50%), des purins à base de luzerne et d’orties (35%), le reste étant une macération de tout ce qui se trouve autour de la parcelle (noix, fleurs, champignons,…) afin d’amener le microbiote naturel dans la parcelle.  J’y ajoute selon les besoins de la Vitamine C et Assimil K, ainsi qu’un peu de lie de vin, Cuivre et Soufre. En revanche, j’ai arrêté les tisanes. Enfin, j’apporte un peu de fertilisation organique à l’automne.

La taille joue un rôle important dans cette organisation. Je pratique la taille Marceau en guyot simple (le courson de deux yeux francs est toujours au dessus de la baguette, le courson de l’année suivante sera toujours l’œil le plus éloigné. De ce fait je ne coupe plus de bois de deux ans hormis l’enlèvement de la baguette de l’année précédente. Donc je monte de 3 à 4 cm par an. J’avoue avoir mis du temps à comprendre ce que Marceau avait dans la tête. J’aurai plus de résultat l’an prochain.

Grâce au tressage, j’arrive à atténuer la problématique sécheresse si je compare ma situation à celle de mes voisins. En attendant l’arbre qui sera la vraie solution structurelle, cela a tout de même une Incidence sur les cépages qui craignent le sec.

En ce qui concerne la pression maladie, les problèmes sont le mildiou et l’oïdium en fin de saison. Même si cette pression est plutôt faible, dans l’état actuel, je ne peux pas me permettre de ne pas traiter.

Avec les blancs, la récolte se fait à la main, puis pressurage directe, un débourbage très lâche, une fermentation en cuves béton, un soutirage à la fin de la fermentation, et enfin un élevage jusqu’au mois de juin ou novembre. Je ne mets plus en bouteille en aout.

Pour les rouges, on vendange grappes entières, en caisse, avant d’être mis en cuves béton pour 2 semaines à 1 mois de macération, pas de remontage ni de pigeage. Une fois pressé, un soutirage à la fin des fermentations avant élevage du vin.  Tous les vins sont vinifiés et élevés sans aucun intrant, et en fonction de la stabilité des vins, je me réserve le droit  de mettre un peu de souffre à la mise en bouteille.

Peut-être me suis-je fourvoyé pendant 5-6 ans à vouloir lutter contre la nature. Désormais j’ai l’impression d’être sur la bonne voie, faite de résilience, d’autonomie et de fertilité. En un mot, ne pas être en lutte mais vivre avec.

Un mois, un témoignage en 2020
Luc FONTA - Domaine des 3 Mazets

Passer de spectateur à acteur, je l’ai décidé il y a 4 ans. Je n’étais plus en phase avec ma vie précédente, où l’on travaille sans limite d’investissement de temps mais aussi sans reconnaissance. J’avais mis un genou à terre et il était temps de me remettre en conformité avec mes valeurs.

J’avais toujours eu ce goût pour la nature et l’écologie naturelle, celle qui explique les relations profondes au sein d’un écosystème. Hélas, au moment où j’ai fait mes études, il n’y avait pas de filière adaptée et conforme à mes attentes. J’ai donc fait un BTS en traitement de l’eau, que j’ai complété par une formation en électrotechnique. Cela m’a conduit à une carrière comme technicien dans le traitement de l’eau.

A 42 ans, j’ai fait un choix radical, soutenu par mon épouse et mes 3 enfants. Alors que je n’étais pas en phase avec les modèles agricoles d’avant, les choses étaient en train d’évoluer, notamment avec des groupes comme La Belle Vigne. C’était le bon moment de changer.

De peur de ne pas être légitime parce que je ne suis pas issu du monde agricole, j’ai commencé dans la discrétion et avec beaucoup de modestie. Au départ, je ne parle pas en hectares mais en m². J’ai repris un petit foncier de 8000 m² dont 5000 m² de bois plus une jachère avec quelques oliviers dessus. Aussi surprenant que cela puisse paraître, je suis entré dans la réflexion agronomique par la question du maraichage sur sols vivants, de la permaculture et de l’agriculture de conservation.  Et j’ai avancé à tâtons avec quelques notions en biodynamie.

Mon premier projet a été la culture du raisin de table en culture haute et retombante. Après des échanges avec Konrad, je me suis inspiré de ce qui a été fait à Moissac. J’ai donc fait les plantations qui ont produit la première récolte cette année, sans traitement. J’en avoue une certaine fierté.

Puis, il y a 2 ans, j’ai fait l’acquisition d’un hectare en Syrah. Alors j’ai appuyé sur l’accélérateur de la conduite en agroécologie : taille douce Marceau, tressage, couverts végétaux, parcelles en bio, bioélectronique…

Alors, j’ai abandonné le confort pour l’incertitude, avec courage ou peut-être inconscience. Je sais que le chemin va être long. Mais les retours sur mes cultures m’apportent aujourd’hui des notes positives et nourrissent ma passion pour la nature et le travail des hommes. Derrière tous les sujets qui font le travail du viticulteur se cache le plaisir d’entreprendre, de regarder et de mettre en adéquation mon savoir avec mes observations. Et je ne peux oublier la confiance de mon épouse et de mes enfants.

Mon travail de technicien de l’eau sur le potentiel RedOx-pH est plus que jamais d’actualité. J’avais fait cette découverte grâce à un apiculteur. C’était un pionnier. Et avec Olivier HUSSON, je devinais que la cavalerie allait arriver même si les mesures physiques prennent du temps : impossible que cette recherche scientifique reste dans l’obscurité.

Parce que des sols vivants sont la clef, j’enherbe mon vignoble. L’interrang de 2m20 me facilite la tâche. Je suis parti d’une feuille blanche que je remplis. Mon passage dans le programme Agr’eau a commencé à répondre à mes besoins. Mais je voulais plus et je me suis tourné vers un GIEE très dynamique en agroécologie dans l’Aude.

Dans mes couverts, je mélange 50% de légumineuses avec 30% de graminées et de 20% crucifères, avec au moins 2 espèces par catégorie. Le semis se fait toujours au moment des vendanges, fin août et avant les premières pluies. L’automne dernier, le couvert était dense et avait bien poussé, au point d’être fauché 2 fois, en mars et en mai. La biomasse était montée de 1 m 30 à 1 m 80 selon les parcelles.

Sous le cavaillon, je ne travaille pas le sol. La première année, pas grand-chose n’avait poussé. Cette année, je n’ai vu que quelques herbes. Comme cette parcelle n’avait jamais été travaillée au pied, je pars du principe que les plantes locales vont s’installer. 

Je me suis donc lancé dans des essais en séparant mes parcelles de raisin de cuve en 2 modalités. La première est sans fongicide, ni Cuivre, ni Soufre, uniquement avec un apport Assimil K et des infusions en biodynamie.  La seconde, en utilisant des fongicides bio.

J’ai subi une première attaque légère de mildiou, enrayée avec la vitamine C. Quinze jours plus tard, lors de la 2ème attaque, j’ai abandonné la stratégie fongi en la remplaçant par de l’Assimil K sur toute ma parcelle. Et j’ai enrayé à nouveau cette attaque.

Résultat, j’ai récolté 25 hl par hectare sur une vigne de 35 ans d’âge. Et au moment de partir en cave, j’ai décidé de vinifier de façon spécifique la partie non traitée. Alors que je m’attendais de le faire  échéance de 4 ou 5 ans, je réaliserai ma première mise en bouteille cette année. J’ai gracieusement été hébergé pour la vinification chez un couple de vigneron en AB qui a accueilli mes cuves et m’a accompagné avec son savoir-faire. Cette année, je réalise ma propre cave.

Le projet suivant porte sur la culture de 4 hectares supplémentaires en fermage, composés de grenache, merlot, carignan et cinsault. Je vais essayer de transformer l’essai réussi de cette année. L’idée est de ne pas s’attacher à des rendements élevés pour laisser la vigne donner ce qu’elle peut donner. C’est en la soignant dans les prochaines années que je pourrai rechercher de meilleurs rendements. J’engrange des connaissances depuis 4 ans. Je souhaite donc capitaliser et maîtriser ces techniques pendant une paire d’années avant d’aller plus loin. Peut-être apprendrais-je aussi de mes échecs à venir.

Pour cela, je vais aussi me concentrer sur la mesure des RedOx-pH de l’eau dynamisée utilisée dans les pulvérisations. Mon objectif est aussi d’être autonome en matière d’utilisation d’infusions.

Je réfléchis aussi à l’agroforesterie. Pour l’instant, mes parcelles étant bordées de ruisseaux, j’ai des frênes qui poussent spontanément. Je vais en laisser quelques-uns se développer avant de conduire un vrai projet destiné à offrir le maximum de nourriture à la biodiversité.

Le plus beau compliment que j’ai reçu est venu d’un viticulteur en conventionnel depuis 40 ans. Alors que les récoltes n’étaient pas au rendez-vous chez mes voisins, il m’a dit « Franchement chapeau, t’as du raisin et en plus il est beau ». Nous ne travaillons pas de la même façon et cette reconnaissance m’a touché.

Je connais mon terroir et j’observe les cycles de la nature. Et je considère que c’est la somme des gestes dans le couple sol-plante qui apporte de l’énergie. J’ai observé l’écologie pendant de nombreuses années. Aujourd’hui, j’ai trouvé la possibilité de mettre mes pratiques en adéquation avec mes valeurs. Je ne suis pas forcément un exemple mais si mon travail peut inspirer modestement d’autres personnes, j’en serai heureux.

Victor MOREAUD - Château Cormeil-Figeac Magnan

Situé sur un secteur viticole très ancien de Saint-Emilion, notre vignoble fait partie d’un magnifique océan de vigne, une monoculture épurée, très ordonnée, sans arbre… et dans lequel enfant je me suis beaucoup ennuyé. Après mon bac, je n’ai aucune envie de reprendre le domaine familial, 25ha à Saint-Emilion, 3 générations, c’est un sacré patrimoine, la pression, je vois le stress de mon père, les tensions et les convoitises de ses frères et sœur…. le milieu viticole bordelais, l’univers un peu «bling-bling » des grands crus, ne m’attire pas.

J’aime la nature, les voyages, la science, la biologie, je choisis d’être architecte-paysagiste. Pendant 15 ans, je participe avec passion à de multiples projets, de la création de petits jardins privés à la conception d’espaces publics de grands quartiers urbains, en passant par l’aménagement de réserves naturelles, l’intégration de sites industriels ou de parcs éoliens.

En 2010, mon père a 65 ans, j’ai une grande sœur prof d’anglais en région parisienne, et il faut décider… soit la vente, soit la reprise du domaine familial. Je propose à Coraline de reprendre en fratrie, elle à la vente et moi à la production, tout en conservant pour partie mon activité de paysagiste à laquelle je suis très attaché.

Le vignoble est en très bon état, le réseau commercial bien établi. Nous avons quand même 10 ans devant nous pour finir de rembourser un très gros emprunt lié à l’achat de terre. Même si nous sommes rapidement dirigeants, pendant plus de 5 ans nous apprenons le métier, et tâchons de maîtriser la méthode paternelle sans trop broncher et sans prendre de risques !

Mais je me rends compte qu’en voulant limiter les risques à court terme, les mesures s’accumulent et cela me frappe particulièrement pour l’élaboration des vins : levurage, sulfitage, thermorégulation, compléments en azote, en vitamines, désinfection des cuves et des chais, enzymage, copeaux, tanins, inoculation de bactéries, etc, etc… 

Pour la vigne, nos méthodes culturales sont conventionnelles, raisonnées pour la qualité et l’économie, sans frein particulier à l’utilisation de chimie. 25% du domaine, les vignes plus faibles, sont travaillés intégralement, le reste reçoit des herbicides sur le cavaillon et un enherbement permanent de l’interrang sans travail du sol.

Je suis bien conscient que la question environnementale n’est pas prioritaire, c’est un peu frustrant pour moi mais je suis patient, j’observe les évolutions, je me documente.

A partir de 2015, nous maîtrisons bien les bases et commençons à mettre en avant nos personnalités. La pression sociétale pointe du doigt la viticulture, grande consommatrice de pesticides. Cela légitime mon souhait d’agir pour l’environnement et nous en faisons un  objectif majeur de l’exploitation. Mais quelle voie choisir ? Quelle démarche serait réellement vertueuse ?!

Pour débuter, nous rejoignons une démarche collective globale et systémique, le SME du Vin de Bordeaux qui nous permet d’obtenir l’ISO 14001 et le HVE3, mais surtout elle me permet de rencontrer beaucoup d’autres viticulteurs et de débattre de la question environnementale.

La même année, sentant venir la fin le glypho  et pour anticiper, nous décidons d’arrêter les herbicides. C’est une question économique, il faut avoir les moyens de consacrer un budget plus conséquent, car il faut notamment remplacer de la chimie par des moyens humains importants. C’est en particulier le cas du travail mécanique à réaliser sous le rang. J’avoue ne pas être aujourd’hui satisfait du travail dans l’interceps. Les adventices, surtout le chiendent, sont toujours là. Je suis actuellement en recherche d’alternatives autour de l’enherbement sous le rang. 

En 2016, je rejoins un second collectif, celui du réseau des Fermes Déphy animé par la Chambre d’Agriculture. En 5 ans, les échanges m’ont permis de réduire d’environ 50% notre consommation de phyto !

En 2018, alors que ma maîtrise technique s’affine, poussé par ma sœur qui perçoit une forte demande de vin bio, nous nous convertissons à l’agriculture biologique. Cette démarche se focalise sur le produit, sans résidus. Elle a le mérite de simplifier énormément le recours à la chimie. A l’usage cette simplification me convient très bien mais je reste sceptique sur le fait que la démarche soit plus vertueuse pour l’environnement avec notamment une mécanisation accrue, le travail du sol… pas de logique agronomique mais il faut bien avancée tout en continuant à chercher.

Cette même année, au printemps, toujours stimulé par mon groupe Déphy, je vois pousser avec émerveillement mes premiers essais de couverts hivernaux.

C’est fin 2018 que se produit un énorme déclic ! Mes recherches me conduisent à ce fameux courant agronomique, celui du non-labour, du semis direct et de l’agriculture de conservation. J’ai carrément eu une phase d’euphorie, lorsque j’ai saisi l’énorme potentiel de cette agriculture. Aujourd’hui, je suis enthousiaste, je m’attèle à chercher comment adapter ces méthodes développées en grande culture à la viticulture.

Nous participons aujourd’hui à une dizaine de projets et de groupes de recherche-action concernant l’agroécologie dont celui de La Belle Vigne. Je travail particulièrement sur la couverture végétale des sols avec 100% du vignoble semé et je dédie 15% du vignoble à des expérimentations de couverture du cavaillon alternatifs au travail du sol. La première difficulté est la technique de semis sous le rang permettant d’avoir une levée homogène et suffisante. Il n’existe pas de semoir sur le marché donc nous auto-construisons, notamment la partie permettant le réappui et le contact graine-sol. Je fais des essais en mélange et en pur de trèfles nains et je travaille aussi des mélanges à 15 espèces avec un semencier qui fait des collectes de semences en milieux naturels. Il faut du temps pour que le système s’installe. Il y a eu des échecs et il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Depuis 5 ans, je dédie 1ha de parcelles très vigoureuses à l’enherbement naturel total géré en extensif, les rendements sont constants.

Notre objectif est de transformer notre vignoble en cadre de vie idyllique, qui produise beaucoup et en très grande qualité, en aidant la planète et tout ce qui vit dessus !

Sur les 3 piliers de l’agroécologie, après le non labour et les couverts végétaux, notre prochain projet est la vitiforesterie. En tant qu’architecte paysagiste, je veux concevoir et aménager notre espace et nos paysages, avec cette chance d’avoir un vignoble d’un seul tenant, ce qui est plutôt rare. Et je veux prendre mon temps pour le penser et le faire ; ne pas jouer perso, partager sur mes pratiques avec d’autres viticulteurs, des experts et des scientifiques.

Samuel MAGE - Vignoble sur l'Île d'Oléron

Le partage, les échanges, le dialogue… C’est comme cela que j’ai été construit. Mon premier apprentissage, c’est la famille. A la maison, entouré de mon épouse et de mes enfants, de mes parents ainsi que de mes amis au premier rang duquel, David Pradère, je perpétue cette dimension fondatrice pour moi. C’est mon héritage vivant et une priorité au quotidien.

Cette dimension a rythmé la vie du domaine depuis l’époque de mes grands-parents maternels et paternels. Ils étaient déjà viticulteurs sur l’ile d’Oléron. Pendant ces années-là, il faut bien avouer que le modèle était productiviste. C’était l’ère du surdosage, des rendements toujours plus importants,…

Fin des années 70, mon-père a cependant choisi de se mettre en indépendant plutôt que de développer une activité secondaire touristique ou autre. Le choc pétrolier qui a provoqué une crise du Cognac, l’a obligé à se reconvertir dans la vente directe de vins de table, de pineau… Je perpétue la tradition, car ce lien direct avec le consommateur -je devrai dire mon dégustateur final- est primordial pour la vente nos produits et l’explication de nos méthodes.

En 1997, je me suis installé avec mon père sur 15 hectares. La transmission était dans les gènes familiaux de ce partage si fondateur pour moi. Aujourd’hui, le domaine fait 32 hectares au centre de l’île d’Oléron. Il est planté sur 10 hectares en Ugni blanc qui est un cépage destiné au cognac. Sur le reste du domaine, il y a du Colombard blanc, du Sauvignon blanc et gris, du Trousseau gris, du Gros manseng, du Merlot et du Cabernet franc. Enfin, il y a quelques années, j’ai planté du Syrah en raison de son intérêt pour la résistance aux changements climatiques.

A cela s’ajoute une mosaïque de sols, parfois au sein même d’une parcelle. Mais la dominante est un sol argilo-limoneux avec des terres souvent hydromorphes, humides l’hiver et sèches l’été. Cela peut entrainer le  blocage des éléments fertilisants ainsi que des carences sur certains oligo-éléments. Mais avec nos nouveaux modes de culture, on atténue ces problèmes et dans 2 ou 3 ans, j’espère que la vigne s’équilibrera d’elle-même.

Pendant 15 ans, j’ai travaillé avec mon père. Même si le passage en bio a été un séisme pour lui, il m’a fait confiance. On avait été trop loin dans la chimie et mon père a toujours été très ouvert sur les choses positives. A 73 ans, il continue d’adapter, concevoir et fabriquer divers équipements : installation de froid, passerelles, semoir, système de récupération des eaux pluviales…. Grâce à lui, la sécurité et les conditions de travail sont au cœur de nos préoccupations. Avec les économies réalisées, j’ai donc investi dans la technique.

Ma chance a été d’être entouré par un œnologue (Julien Frumholtz) passionné par le sol vivant. Pendant les contrôles de maturation, nous avons beaucoup échangé. Puis, ça c’est fait doucement en testant diverses méthodes. Avec David aussi, si nos vignobles sont bien différents, nous échangeons énormément sur les choix stratégiques. En fait, nous nous parlons tous les jours.

Le vignoble était sous perfusion. Grâce à Konrad Schreiber et à Alain Canet, c’est devenu une évidence : clairs et pédagogiques, ils ont mis des mots sur nos maux. J’ai l’impression de réapprendre mon métier en lui redonnant du sens.

Avec David, après une formation sur les couverts végétaux, nous avons arrêté du jour au lendemain de retourner nos sols. A l’aide d’un semoir autoconstruit et d’un semoir à semi direct,  nous semons nos couverts de féverole, avoine, phacélie, trèfle incarnat et d’Alexandrie, radis,… jusqu’à floraison. J’ai abandonné le broyage des sarments et des couverts. Le roulage s’effectue avec des rouleaux Roll’Nsem, offrant déjà un paillage de 2 cm d’épaisseur. J’apporte également 3 m3 de compost ligneux.

Mon approche phyto a également évolué. J’utilise des associations d’huiles essentielles avec des purins d’orties, qui ont un effet asséchant sur l’oïdium. J’ai mené quelques essais sur certaines parcelles,  avec de l’Assimil K  et de la Vitamine C. Les résultats sont encourageants. Mais je suis convaincu qu’il ne faut pas systématiser les traitements, ni doper la vigne tout le temps.

Je me penche également sur le Potentiel RedOx, car je veux comprendre pourquoi une parcelle est plus attaquée qu’une autre. Or, si notre vigne a une bonne défense immunitaire et une bonne mise en réserve, elle se défendra mieux.

Cette année a de nouveau été compliquée. Nos modes de conduite ont certainement évité de nombreuses déconvenues. Après l’hiver très doux, une attaque de mildiou a été sévère mi-mai. Mais je pense que si on avait travaillé l’inter-rang comme avant, on aurait perdu la récolte.

 Avant, je pratiquais le rognage entre 3 et 5 fois par an. Cette année, après un simple étêtage, on a rogné vers le 25 aout . La vigne a été plus résiliente, avec moins de soucis d’esca et peu de problèmes liés à la sécheresse.

La rencontre avec Alain canet a réveillé la nostalgie de mes dix ans. A cette époque, j’allais cueillir des pommes, des prunes…  Aujourd’hui, il n’y a plus rien. Cette année, je vais donc me lancer en vitiforesterie et planter une centaine d’arbres fruitiers. La plantation de mes haies a pris du retard en raison des conditions climatiques très humides cet hiver.  Au programme, 1,3 km de haies chez moi et 1,2 km chez David. Cette démarche a été prémonitoire, puisque en juin 2019, nous avons été très impactés par la tempête Miguel (perte d’environ 40 % de la récolte).

Enfin, sur les 2,5 hectares que je viens d’acheter, je vais partager les parcelles en 5 parties et mettre une haie champêtre pour protéger la vigne qui se trouve à seulement 900m de la mer.

Eric COLLINET - Champagne

Parfois, dire d’où on vient, c’est rêver de là où on veut aller. Je suis peut être un romantique avec les deux pieds solidement ancrés dans la terre, un paysan au sens premier du terme : celui qui parle avec la nature, un homme qui cultive son pays et que la nature continue à forger malgré lui. N’est-ce pas ce que j’ai recherché depuis mon enfance ?

Mes grands-parents étaient métayers en Charente, puis mon père ainsi que mes 3 frères ont travaillé dans l’usine de papeterie qui faisait vivre tout le village.  Pour moi, ça sentait mauvais et le rythme de travail ne me convenait pas. J’y ai vu trop de souffrance. Cette souffrance que je n’ai pas confondue avec la dureté de la vie des paysans d’à-côté. C’est vrai, ils semblaient vivoter, mais ils paraissaient tellement plus heureux.

Cet idéalisme m’a quitté lors de mon arrivée au Canada. Après mon service militaire, passer d’un pays à un autre sans se soucier des papiers administratifs obligatoires m’a valu une rétention d’une semaine au service de l’immigration canadienne. La réalité et l’injustice m’ont accablé. Alors dès mon retour en France, loin de mes rêves évanouis, il m’a fallu chercher du travail.

Une petite annonce dans La France Agricole plus loin, je rencontrais un papy en Champagne. Il était en compétition avec un autre papy producteur de lait pour la production de Roquefort. La vie tient à si peu.

8 mois de conditions rocambolesques plus tard, un lundi, je lui dit « je peux reprendre l’exploitation mais il faut le faire correctement ». C’est ainsi qu’en 1987, après un stage de 40 heures de pré-installation, je me suis installé avec un contrat de vente en viager de l’exploitation.

Ca, c’est pour le chemin. L’histoire commence maintenant.

L’histoire d’un papy (oui, je continue affectueusement à l’appeler ainsi) qui ne désherbait pas. C’est vrai que ça produisait peu, mais sa conduite du sol était très légère.
Quand je mettais un peu de désherbant, son verdict tombait : j’avais tort.

Avant je m’intéressai au « Club des 100 quintaux », avec le travail du sol, l’utilisation de produits de toutes sortes, …. Ce qui m’a fait changer c’est de constater que ça fonctionnait très bien même quand je n’appliquais pas les traitements conseillés par les techniciens locaux.

J’ai vendu mes dernières vaches en 1993. En parallèle, j’ai acquis quelques terres supplémentaires pour constituer le vignoble actuel de 2,25 ha. J’avais déjà un schéma agroécologique en tête, mais le regard des voisins a été difficile à vivre. Pourtant dans les années 90, je mettais déjà beaucoup moins de désherbants et de phyto qu’eux.

Au départ, c’était intuitif chez moi. J’ai toujours été en harmonie avec la nature. Je suis convaincu que par la biologie on peut être plus efficace qu’avec les produits phytosanitaires. Alors, chaque fois que je mets un produit, je me sens mal. En permanence mon fil rouge a été de diminuer les doses, à tel point que j’ai pris des risques. Mais ça a fonctionné… Rapidement j’ai éliminé les insecticides, puis diminué le soufre sur l’oïdium, cette année on l’a remplacé par la vitamine C et les oligos d’AssimilK. Aujourd’hui, le mildiou est notre problème mais on est sur une bonne voie avec votre expertise.

En parallèle dans les années 90, dans les terrains issu de l’élevage, je me suis intéressé à la production de truffes autour de charmes, de chênes, de hêtres et de noisetiers. Ca m’a emmené dans un autre univers par rapport au sol et rendu à l’aise sur le fonctionnement du sol. La truffe est désormais une production secondaire. Je souhaiterai pouvoir la produire en me passant de l’irrigation.

Dans les années 2000, j’ai brièvement participé aux Contrats d’Agriculture Durable. Hélas ! le travail du sol y était toujours préconisé. On continuait à pulvériser des têtes de mort partout.

Je me suis donc tourné vers les couverts végétaux. Et en 2003, j’ai sauvé ma récolte parce que mes vignes étaient dans le blé lors du gel. Le résultat était très positifs par rapport aux sols nus.

Depuis quelques années, je couche, je roule ou je fauche. Depuis l’an passé, un seul passage d’interceps est réalisé sous le cavaillon bientôt remplacé par des tondeuses. Et j’ai fait un relevé de flore qui a dénombré plus de 20 plantes.

Il y a 3 ans, on a créé une CUMA pour initier une démarche collective afin de mettre en place l’agro-écologie, en partenariat depuis l’année dernière avec « Arbres et paysage » en Champagne. On plante des arbres, on implante des couverts, on avance vers plus de biologie.

Aujourd’hui, je rogne le plus tard possible. Et de fait, je n’ai quasiment pas d’entrecoeurs. J’ai aussi tressé quelques lignes. La dynamique de pousse de mes parcelles est différente de celle des voisins. Le décalage de pousse est important, plus encore cette année. Avant j’étais en retard d’une semaine ou 10 jours. Cette année la différence est énorme : 3 semaines. Certes, j’aurai besoin d’une vigne plus poussante mais je constate aussi qu’il n’y a pas de maladie, et aucun symptôme de carence. J’ai néanmoins quelques dégâts de brulure de raisin.

Des  relevés ont été effectués montrant que par endroits on a dépassé les 50 degrés. Les raisins sont cuits. D’où la réussite indispensable des paillages et des engrais verts pour essayer de réduire ces effets négatifs. J’utilise également du BRF issu de l’entretien des truffières.

Cette année, l’emploi de la vitamine C, de l’Assimil K et Action Cuivre m’ont permis de réduire ma consommation de cuivre à moins d’1 kg sur l’encadrement fleur. Le soufre a été réduit très fortement puisque je n’en ai pas utilisé sous forme mouillable.

Il reste encore beaucoup à faire. Même avec un taux de matière organique de 2,8 % à 3,6 %, je considère que ce n’est pas suffisant dans un système autonome. Le sol n’est pas assez vivant. Les résultats avec les thés de compost ne sont pas satisfaisant, probablement dus à de mauvaises conditions d’épandage. L’objectif prochain est d’essayer d’incorporer au semis soit le thé ou la litière forestière.

Au début des années 2000, je semais à la main et ça poussait mieux qu’aujourd’hui. Ca me questionne.

Pour toutes ces raisons, je suis heureux d’avoir trouvé un espace d’échanges et de partage tel que LA BELLE VIGNE. C’est indispensable pour avancer de ne plus être seul.

L’agriculture est d’abord une production bio-logique !

Stéphane FOLLIN-ARBELET - Château Meursault et Château Marsannay

Lorsqu’on est originaire d’Aloxe Corton depuis plusieurs générations, rien d’extraordinaire à idéaliser la Bourgogne, son terroir, ses vins, son climat et bien sûr les bourguignons.

Ce n’est pourtant qu’après des études d’agronomie que le déclic se produit dans ma 27ème année. Cette année-là, invité à un mariage au Clos Vougeot, je fais l’expérience d’un Pommard Epenots 1947. Ce qui fut une révélation à ce moment précis reste un souvenir exceptionnel qui se prolonge aujourd’hui encore.

Puis à 32 ans, je suis entré chez Bouchard père et fils et William Fèvre où j’ai gravi tous les échelons jusqu’à en devenir Directeur Général pendant 6 ans.

Mais en 2012, lorsque le nouveau propriétaire des Châteaux Meursault et Marsannay, Olivier HALLEY, me propose de le rejoindre, c’est un nouveau challenge qui s’ouvre à moi. Le vignoble couvre aujourd’hui 107 ha sur 200 parcelles et 65 appellations, autour des cépages principaux, le pinot noir et le chardonnay. Nous partageons le même goût des grands vins soyeux et élégants si typiques de la Bourgogne.

Ce nouvel engagement est un mélange de passion et de volonté à faire évoluer les méthodes de culture et de vinification. Déjà, en multipliant les sélections parcellaires nous avons participé à mettre en avant les Climats de Bourgogne.

Cette démarche a été en partie facilitée par le réchauffement climatique qui a permis d’atteindre la maturité physiologique chaque année depuis 30 ans. C’est sur ce socle que nous nous sommes engagés dans la taille Poussard plus respectueuse des flux de sève et dans la suppression des pesticides.

Certes, il fallait en passer par là pour soutenir la candidature de la Bourgogne au patrimoine mondial de l’UNESCO. Mais c’est aussi le résultat d’une prise de conscience ainsi que d’une adaptation à la demande des consommateurs : si on sait analyser toutes les molécules présentes dans un vin, notre obligation est aujourd’hui d’offrir une expérience qui soit au sommet de la vinification sans ajout de produits ou en les réduisant de façon drastique.

Cela s’est donc fait en plusieurs étapes. D’abord avec la certification Haute Valeur Environnementale (HVE3) et par une conversion en bio depuis 2 ans. En espérant qu’aucune attaque massive de Mildiou ne nous contraigne à des traitements au cours de cette période.

Sans être Candide, je cultive mon jardin. Autour de 10 ares de vigne, j’expérimente, comme par exemple remplacer le Soufre par du lait. C’est facile à l’échelle de mon jardin. Mais à l’échelle d’une Bourgogne conservatrice, l’exercice prend une tout autre dimension. Combien de fois ai-je entendu qu’il fallait travailler le sol pour que les vignes soient propres.

La question de la couverture végétale figure ainsi parmi nos réflexions depuis 3 ans. Nous avons engagé des essais sur 10 hectares en vigne étroite, à partir de différents mélanges. Un des problèmes à prendre en compte est le tassement du sol lié au nombre important de passages pour le travail de la vigne. Notre chance est de ne pas refaire les mêmes erreurs qu’il y a une vingtaine d’années et de fertiliser nos couverts. Pour cette raison, nous essayons aujourd’hui plusieurs stratégies avec des mélanges de graine différent et des amendements organiques ou des acides aminés type Assimil Starter…

Il n’en reste pas moins que le meilleur travail du sol est celui qu’on ne fait pas. C’est cet équilibre qu’il reste à trouver.

Il nous faut faire vite dans de nombreux domaines car l’urgence est celle du réchauffement climatique. J’en veux pour témoin, le dépérissement de plus en plus marqué du porte-greffe 161-49, où des ceps restent au stade préformés et finissent par mourir.

Face à ces bouleversements à venir et dont nous voyons seulement les prémices, c’est dans le « bon sens paysan » que je puise ma force. Nous devons trouver de nouvelles pratiques sans changer les équipes mais en améliorant ce qui peut l’être pour renforcer notre résilience. Pour élever de bon vins en pratiquant le moins d’interventions œnologiques possibles, nous devons produire des raisins sains.

LA BELLE VIGNE répond à ce cahier des charges et à cette ambition. Il faut bien comprendre que notre expérience se limite à une récolte par an, quand un boulanger fera des milliers de fournées pour s’améliorer encore et toujours. C’est quand on se fédère qu’on peut évoluer plus vite avec le concours et les connaissances des autres.

Alain KUEHN - Vins d'Alsace

Je suis le petit dernier et je n’étais pas le plus doué de la famille. En fait, derrière cette excuse, j’avais et j’ai toujours une relation profonde avec la nature et le monde extérieur. C’est avec passion et aussi parce que mon intérêt pour l’arboriculture a développé ma capacité d’observation, que j’ai repris la suite du domaine familial. Je travaille avec mon épouse et une salariée. Nous avançons dans un esprit familial, de concertation et de partage.

Nos 13 hectares en Alsace, autour de Kaysersberg-Vignoble, sont composés de l’ensemble de cépages pinots, muscat, gewurztraminer et riesling. Ils sont élevés sur un sous-sol composé de granit très léger et recouvert d’une couche géologique très variée : du granit au calcaire, les sous-sols marno-calcaires et des sols légers dans les plaines. Particulièrement réputés pour leur exposition, ils produisent des Grands Crus, des Crémants, des AOP et occasionnellement des vendanges tardives. Nous livrons la totalité de notre récolte à Bestheim.

Dans les années 80, j’ai commencé par des engrais verts (semis de céréales principalement). Toutefois, je poursuivais le désherbage en plaine. Progressivement, je n’ai désherbé qu’un rang sur deux avant de ne plus le faire du tout. Depuis un an, je pratique donc le semis direct dans tous les rangs, avec un couvert spontané sous cavaillon. Je pratique la taille double Poussard adaptée à la vigueur, ainsi que l’ébourgeonnage sur toutes les parcelles.

Le vignoble peut être très pentu, favorisant ainsi l’érosion. Que le sol soit désherbé chimiquement ou mécaniquement, des collègues sont régulièrement amenés à remonter de la terre suite à de fortes pluies, opération que je n’ai plus à faire. Le travail du sol est pour moi une aberration vis à vis des bactéries et champignons qui peuvent s’y trouver. C’est un chamboulement aérobie et anaérobie. « Prenez une truite, mettez-la dans un pré, prenez le lièvre, jetez le au fond de l’étang », cela ne marchera jamais !

Récemment, j’envisageais de désherber un rang lorsque j’ai aperçu un magnifique papillon. J’ai alors choisi de ne pas  travailler mon sol. Ce bien-être, il est autant pour la biodiversité que pour moi-même. Konrad et La Belle Vigne m’ont incité à aller dans ce sens et à approfondir ma démarche.

Mais avant d’en arriver là, j’ai bien sûr commis des erreurs : les engrais verts ne permettaient pas la fixation de l’Azote et ne m’apportaient pas la biomasse nécessaire pour nourrir le sol. Aujourd’hui, je traite mon couvert inter-rang comme des cultures à part entière que je conduis jusqu’à leur maturité. Je les laisse monter à graines avant de les détruire au rouleau faca. Nous sommes en vigne haute, donc 40 à 50 cm de couvert et ça ne gêne pas le travail de la vigne : pied à l’ombre et tête au soleil !

Ces couverts sont constitués d’un mélange de seigle, pois et radis fourragers. Je pense que c’est intéressant mais qu’il est possible de mieux faire. En tout état de cause, ils procurent à la vigne une protection solaire et contre le lessivage, tout en favorisant la vie dans les sols. La terre est incontestablement plus souple à marcher et quand on répare les palissages, on n’a plus besoin d’enfonce-pieux.

Hier, les taux de Matière Organique de certaines parcelles étaient faibles (parfois1%). Nous sommes remontés à 3,6%.

Dans toutes les pratiques, ce qui gêne, ce sont les traitements phytosanitaires. C’est d’ailleurs une des raisons qui me fait hésiter à propos de l’arboriculture : trop de traitements. Sans dogmatisme aucun, ce qui m’a fait réfléchir, c’est de constater que des parcelles jamais travaillées n’étaient toujours pas malades lorsque d’autres subissaient une pression maladie.

Alors, il est vrai que le regard des voisins n’est pas toujours chose aisée. Combien de fois ai-je entendu « il va droit dans le mur », ou « quand tu as des herbes, c’est que tu ne travailles pas tes vignes ». Mais cet hiver, quand sur 45 ares, tu trouves 15 pontes de mante religieuse, alors ton seul souhait est de faire en sorte que tes voisins qui veulent changer de pratique ne fassent pas les mêmes erreurs que toi au début.

Pourtant, la question de la valorisation ou de la reconnaissance par le grand public des efforts que nous entreprenons, n’est pas toujours au rendez-vous. Ou, en tout cas, pas dans ces termes. La valorisation se joue à travers les grands vins car les consommateurs recherchent la qualité. Mais j’avoue que le lien entre qualité et conduite du vignoble est complexe et difficile à mettre en évidence.

Même si j’utilise encore de la chimie, ma volonté est de trouver de nouvelles solutions. Je n’utilise les insecticides qu’en deuxième génération si cela est vraiment nécessaire. Et si je poursuis les traitements conventionnels, je le fais à très faible dose.

Je viens de m’engager dans une expérimentation avec l’ASSIMIL K associé à de la vitamine C. Je viens de faire 3 applications : les 5, 13 et 25 mai avant fleur avec 3l par ha (et seulement 2l sur la dernière application car les vignes étaient très belles). Pour la vitamine C, j’ai appliqué 40, 70 et 60 gr.  Alors que l’on observait un stress hydrique chez mes voisins, mes vignes restaient vertes et poussantes.

Mes projets sont d’aller plus loin, de mieux maîtriser mes couverts en ramenant des légumineuses et en favorisant des mélanges de semis (seigle, jachères fleuries,…) critiqués par les techniciens. Mais cela me plaît de rentrer avec des bouquets fleuris à la maison, parce que j’entretiens la biodiversité en créant des corridors éco-logiques entre les parcelles. Je souhaite également arrêter le travail du sol.

Marc BRONDELLO - Vins de Provence

Associé en GAEC avec mon épouse, je suis viticulteur à Carnoules dans le massif des Maures au-dessus de Hyères, sur 16 hectares.

Après une formation dans le BTP, j’ai tout de suite travaillé en viticulture comme prestataire de services dans les travaux viticoles. C’est un problème de santé qui a été l’élément déclencheur de la mise en pratique des techniques agroécologiques sur mon domaine.

D’une sensibilité proche de la nature transmise par un père apiculteur et une mère chimiste, sensibilisé très tôt à l’agroécologie, j’ai choisi la vigne plutôt que le béton !

J’élève des rosés en AOC côte de Provence et vend la totalité de ma production au groupe Castel et à une coopérative.

Trois types de sol dominent mon domaine : sol sur schiste, sol sur grès rouge et sol argilo-calcaire. Les pH varient de 7,6 à 8,8 avec des taux de MO allant de 1 à 2,5 %. Avec une eau phréatique avec un pH de 8,3, le terroir est très calcaire.

L’âge des vignes se situe entre 7 et 60 ans autour de 4 cépages différents : mourvèdre (40 %), carignan (20 %), grenache (20 %) et syrah (20 %). Je pratique la taille Royat 3 ou 4 coursons selon la vigueur ainsi que la taille guyot simple 5 à 6 yeux francs.

J’ai abandonné les désherbants depuis une vingtaine d’années et les produits de synthèse depuis 10 ans. L’urée est le seul fertilisant que j’utilise. J’ai ainsi réussi à modifier mes anciennes pratiques en tentant de trouver une solution aux différents problèmes rencontrés : pour lutter contre l’érosion, je suis passé au non-labour, face à l’appauvrissement en matière organique, j’ai choisi les apports de lignine. En réponse aux aléas climatiques, je mise sur la résilience des sols et du végétal par une meilleure gestion de l’eau et de température du sol. Enfin, contre les maladies virales (cour noué), je m’oriente vers une alimentation plus équilibrée pour la plante.

Les inter-rangs sont couverts par un enherbement naturel, avec pour intention d’y réaliser prochainement des semis directs à base de graminées, légumineuses et crucifères. La bordure des champs est composée d’oliviers, amandiers, pruniers, chênes, figuiers, cornouillers, chênes lièges, arbousiers et autres. Si actuellement il n’y a pas de vitiforesterie intra-parcellaire, des plantations sont en préparation pour la création de haies fruitières et de recherche de synergie.

Chaque année, je réalise des essais sur mes parcelles, principalement au niveau du non travail du sol, de l’enherbement naturel, des « bio-contrôle », du compostage puis de la couverture du sol (apport de matières exogènes et production de biomasse sur la parcelle).

C’est pour cette raison que j’ai testé Assimil K Santé (3 l/ha) associé à de la vitamine C (50 g/ha) l’année dernière. J’ai réalisé trois passages en début de saison en 2019, puis un dernier passage à l’automne. Début Avril 2020, la période de gel n’a pas eu d’impact important sur mon vignoble comparé aux autres vignobles du même secteur géographique. Pour expliquer ce phénomène, je fais l’hypothèse que c’est le dernier traitement à l’automne qui a permis une mise en réserve donnant ainsi plus de vigueur à la vigne contre le gel.

C’est vrai qu’au début, mon entourage ne comprenait pas mes pratiques. Aujourd’hui, si beaucoup ont compris et accepté, certains de mes voisins restent assez dubitatifs en pariant sur la longévité, présumée assez courte, de mes pratiques.

Les citoyens lambda ne semblent, eux, pas faire la différence. Certains sont amusés, d’autres ne comprennent pas mes horaires et pensent que je mens sur mes produits, d’autres enfin l’encouragent fortement et soutiennent mes idées.

Demain, j’envisage d’aborder la réglementation sur le ZNT avec des plantations de haies, en améliorant l’enherbement et en n’utilisant que des bio-contrôles et des traitements alternatifs tels que le purin d’ortie. J’ai déjà diminué mes doses de soufre et j’utilise moins de 500 g/ha/an de cuivre.

J’ai aussi pour projet de restaurer une fertilité durable et passive, d’améliorer la qualité et l’équilibre de mes produits de façon à produire à coup faible et ainsi pouvoir satisfaire mes clients. Et je suis très intéressé par les hybrides qui sont une évolution normale et indispensable de la vie en général.

Pour finir, je dirai qu’il faut prendre du plaisir en nous améliorant et surtout faire profiter de notre retour d’expérience au plus grand nombre, à nos proches et moins proches. C’est pour moi une passion plus qu’un emploi dans une exploitation raisonnée, humaine et utile, associé à un bon sens paysan.

Antoine VALETTE - Vins d'Ardèche IGP

Installé depuis 6 ans, ancien chauffeur en travaux publics, issu d’une famille de viticulteur, je me suis toujours passionné pour l’agriculture. C’est tout naturellement, que j’ai franchi le pas, en reprenant au fil des année des parcelles de voisins partant à la retraite. J’apporte ma récolte à la cave coopérative de Lablachère, qui produit du vin d’Ardèche IGP en vente directe.

Je m’intéresse de près à la fertilité des sols. C’est une passion qui est née tôt, et, ce qui m’intéresse le plus, c’est l’histoire des pratiques agricoles, y compris celles ayant eu lieu avant l’agriculture conventionnelle et chimique. J’ai commencé par acheter un livre de Claude Bourguignon pour apprendre le fonctionnement biologique des sols. Cependant, c’est sur le site internet de Ver de Terre Production que je m’informe et me forme, ce qui me permet de commencer à pratiquer l’agriculture de conservation sur des sols sablo-limoneux superficiels issus de grès acide du trias cévenol, où il ne reste plus beaucoup de matière organique, seulement entre 0,5 et 1%. Il est vrai que les conseils traditionnels en gestion des sols restent arque boutés sur du désherbage et du travail du sol afin de garder les sols nus.

J’ai repris des terres qui ressemblaient à un véritable désert, la terre était morte, brillante sous la pluie, dure comme du béton en plein soleil. Mon projet est donc de rendre cette terre à nouveau fertile. Je couvre les sols depuis mon installation avec de l’herbe spontanée et des engrais verts composés d’avoine principalement. Cette plante se plait bien dans mes sols. Cependant, je vais essayer le seigle pour sa précocité de développement.

Traditionnellement, dans ma région, cette plante était cultivée avec les châtaigniers. Elle adore les sols sableux. La reprise de vignes enherbées depuis 20 ans me montre la voie, ces parcelles récupérées d’un voisin partant à la retraite produisent convenablement, sans problème particuliers. En 2019, c’est parmi celles qui ont le mieux résisté à la canicule et à la sécheresse qui s’en est suivie. La couverture des sols semble bien être la solution au changement climatique. Depuis 2019, je m’intéresse à la couverture du cavaillon. J’ai semé du trèfle souterrain sur les conseils de Jean François Agut, viticulteur dans le Gers, membre de la cellule nationale agronomique et je pense continuer l’expérience en 2020/21.

J’envisage donc de participer au projet de « La Belle Vigne ». Mes attentes sont de participer aux colloques, aux formations, aux travaux sur la remontée des matières organiques du sol et de sa fertilité, de participer aux avancées autour de la conduite en pH et rédox et enfin, de me connecter aux résultats. Mon vignoble étant, actuellement, en conduite mixte avec couverture des sols et chimie conventionnelle, j’ai pour projet de devenir pilote des sols couverts pour ma région et de produire sans pesticides sur des sols fertiles.